Nga Aho, un réseau national de professionnels maoris du design 
Aotearoa (Nouvelle-Zélande)

LAURÉAT 2024

Le lauréat du Prix international de l’IRAC est le réseau Ngā Aho, établi à Aotearoa, une organisation nationale de professionnels maoris de la conception qui se soutiennent mutuellement pour mieux répondre aux aspirations des communautés maories en matière de conception.  

Ngā Aho a été créé en 2005, en réponse à la publication par le ministère néo-zélandais de l’Environnement d’un protocole de design urbain qui ne tenait pas compte des aspirations et des intérêts des Maoris en matière d’environnement bâti. En tant qu’association de concepteurs autochtones, ses membres visent à proposer des approches culturellement appropriées et critiques dans des espaces complexes, et à comprendre et suivre les stratégies de conception maories afin d’obtenir des résultats de conception qui contribuent à approfondir le sens du lieu et à développer des relations significatives et durables avec les iwi (tribus). 

En tant que réseau maori principalement, mais pas exclusivement, impliqué dans l’environnement physique et bâti, Ngā Aho a toujours défendu les concepteurs et les professionnels maoris et autochtones, et fait office de point de ralliement pour relier les concepteurs autochtones sur le plan professionnel, spirituel et culturel.  

Partout sur le littoral du Pacifique, Ngā Aho est demeuré un chef de file dans le domaine de l’environnement bâti des peuples autochtones », écrit le coprésident du Groupe de travail autochtone de l’IRAC, Sim'oogit Saa-Bax, M. Patrick Stewart, FRAIC, qui ajoute : « Lorsque nous avons entrepris de réunir nos nations, nous nous sommes tournés vers Ngā Aho. Le fait de participer aux symposiums de conception de l’un et de l’autre depuis plus de quinze ans a renforcé notre détermination à maintenir les connaissances traditionnelles au cœur de notre travail au sein des communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis du pays ». 

« Les Maoris ont exercé un leadership mondial profond pour les communautés autochtones pendant des décennies », ajoute l’architecte et professeur autochtone David T. Fortin, MRAIC. « De même, Ngā Aho est le symbole des contributions essentielles des peuples autochtones grâce à leur innovation en matière de conception et à leur résilience, et cela continue d’inspirer les architectes et les concepteurs du monde entier ». Ngā Aho représente la priorité accordée à la voix collective et aux valeurs enracinées plutôt qu’à l’ego personnel et aux réalisations individuelles, et c’est ainsi qu’ils offrent une voie d’avenir très stimulante pour notre profession. »  

Voici quelques réflexions supplémentaires sur la portée de Ngā Aho, fournies par l’organisation. 

Le nom Ngā Aho 

Ngā Aho représente les multiples fils qui nous relient à nos ancêtres, au nouveau monde et à l’ancien monde. Un organe directeur pour tous les peuples afin de s’unifier dans la réalisation de travaux pour tous, mais principalement dans la poursuite de la conception et de l’architecture. Ces fils sont ceux de la terre, de l’océan, du ciel, de ce qui forme le monde. C’est dans ce contexte que s’inscrit le nom de ce collectif. 

Cette initiative est profondément liée à l’esprit, à la conscience, à l’humanité et au peuple de la terre. Telle une corde de lin finement formée qui lie l’humanité à toutes choses. Y compris les liens ancestraux avec notre grand waka voyageur, notre refuge spirituel Hawaiki et nos ancêtres bien-aimés. 

- (Sir) Haare Williams, Ngā Aho Kaumatua (« ancien prééminent »); traduction de Terri Ripeka Crawford, Ngā Aho Pae Matua (« praticien principal en création »).   

 

Sur le sentiment d’appartenance des autochtones 

Alors que les peuples autochtones « créent des lieux » depuis des milliers d’années, le colonialisme s’emploie à effacer les identités et les représentations culturelles autochtones visibles, les relations politiques et les traditions juridiques des lieux et des espaces urbains. Ces dernières années, la création d’espaces autochtones a fait l’objet de discussions dans les sphères de la politique publique urbaine, de la gouvernance et des universités. 

L’expérience d’Aotearoa illustre l’importance des réseaux et des outils partagés pour que les praticiens autochtones puissent se soutenir mutuellement, faire preuve d’esprit critique et façonner les possibilités en matière de design urbain et de création d’espaces.  

La place centrale ou la primauté du « lieu » (une entité dotée d’une identité spécifique) n’est pas nouvelle pour les peuples autochtones, mais elle se démarque du système dominant de procédures, d’éthique, d’opérations et de normes de recherche, un système qui est également appelé à soutenir la souveraineté de la recherche autochtone et à « faire de la place et passer à autre chose » (Latulippe et Klenk, 2020). Il s’oppose à un courant relationnel dans les sciences humaines, sociales et de la durabilité qui tend à ne pas accorder l’importance voulue au leadership de la pensée et aux récits autochtones (Watts, 2013; West et coll., 2020).  

Nous reconnaissons également que le savoir et le pouvoir spirituel d’un point de vue autochtone sont fondés sur le lieu, mais ne sont pas liés au lieu. Outre la spécificité du lieu, nous parlons de mouvement et de circularité, de pratique relationnelle et de protocole, et de ce que Larsen et Johnson (2017) appellent les aspects vitaux de la coexistence autochtone, ou « être ensemble sur place », et que Country et coll. (2016) appellent le « co-becoming » (devenir ensemble).  

Le Canada et Aotearoa, la Nouvelle-Zélande, sont des pays qui ont en commun la réalité du colonialisme, l’histoire du Traité/Te Tiriti o Waitangi et une présence autochtone durable. 

- Extrait de : N. Latulippe, B. Livesey, D. WhaaNgā-Schollum, C. Jamieson, J. Clark, & R. Kiddle. « Maanjiwe Nendamowinan (The Gathering of Minds): Connecting Indigenous placemakers and caring for place through co-creative research with the Toronto Islands. » Environment and Planning F, 2(1-2), 96-120. (2023) 

  

Notre collectif et notre participation 

Ngā Aho est une structure très puissante, sur le plan artistique et créatif, au sein de laquelle il est possible de travailler. Toute ma vie, je l’ai cherchée jusqu’à ce que nous l’ayons établie. Le début de cette aventure est ce que je considère parfois comme le début de mon odyssée. Le chemin que nous empruntons tous dans notre vie. Il est empreint d’un certain mystère. Pouvoir participer aux multiples niveaux que permet une vie créative est un véritable privilège, une véritable odyssée. 

La valeur de Ngā Aho réside dans sa multidisciplinarité. Je suis un créateur, mais j’aimerais pouvoir penser et faire tout ce que les architectes paysagistes pensent. Je me rends compte de l’importance de leur contribution et je n’ai pu le découvrir qu’en collaborant avec les autres chefs de file de cette discipline et au-delà. 

Ngā Aho est ma famille élargie. Ces relations ont eu une incidence profonde sur ma vie de créateur. Je sais que je ne serais pas ce que je suis aujourd’hui sans le don que constituent ces relations. Le soutien, l’encouragement, le manaaki. 

Le hui (rassemblement collectif) est toujours le point fort de notre culture. L’énergie qui circule entre les gens et l’aura énergétique dans laquelle nous évoluons tous une fois réunis. Il s’agit de trouver un moyen de partager et d’expliciter le sens de ce processus créatif. Devenir maître de la manière dont vous participez à ce pôle énergétique, c’est de la magie. 

Rassembler nos récits de toutes les façons possibles dans notre travail, ce n’est pas seulement une question de participation à la technologie ou d’utilisation sensible des matériaux. Il s’agit de présenter une idée qui nous permet de créer ce point de réflexion. Ce point de réflexion, qui peut amener une autre âme dans la même direction que le créateur. 

Je pense qu’il serait stupide d’ignorer le fait que nous traversons actuellement une crise. Optimisme, désespoir et entre les deux, il y a ce modèle ou ce cadre d’action auquel nous pouvons nous reporter pour trouver des solutions. Je pense que Ngā Aho est l’un de ces domaines d’action. Nous avons tout ce qu’il faut pour être de véritables chefs de file dans cet espace. 

Si nous nous permettons d’accroître notre participation avec le reste de la planète et l’importance de la comprendre dans son ensemble, nous aurons plus de moyens d’action. Cela nous permet de nous engager de manière à partager plus facilement et à faire tout ce qu’il faut pour contribuer à la résolution des problèmes. 

-Carin Wilson, Ngā Aho Kāhui Whetū (membre aîné honoraire) 

  

Ngā Aho, muka here taNgāta : Le fil d’or qui nous lie 

De ma tête à mes mains et ce qu’il y a entre les deux, c’est-à-dire le cœur, ce sont les trois zones à partir desquelles je fonctionne. J’ai réalisé très tôt que si je ne travaillais pas à toutes les intégrer, je sentais qu’il me manquait quelque chose. L’essentiel, pour moi, c’est qu’il est absolument vital de parvenir à une vie équilibrée au fur et à mesure que nous avançons dans notre existence. Si l’une d’entre elles est coupée des autres, nous luttons momentanément pour les réunir à nouveau. 

-Carin Wilson, Ngāti Awa, Tuhourangi, Ngā Aho Kāhui Whetū (designer, sculpteur, artisan, membre aîné honoraire) 

  

Un aho seul a une certaine force, mais il faut l’associer à un grand nombre d’autres aho, de couleurs, de textures et de caractéristiques différentes. En les combinant, on obtient une force qui est beaucoup plus résiliente et qui résistera à l’épreuve du temps, en apportant enrichissement et subsistance.  

-Alan Titchener, Kāi Tahu, Ngā Aho Kāhui Whetū (architecture paysagère, horticulture, membre aîné honoraire) 

  

Ngā Aho est la conscience de tout ce qui fait de nous ce que nous sommes. Le physique, l’émotionnel, le symbolique et l’inconnu. Des liens intergénérationnels existent entre vous, moi et l’univers tout entier. Nous sommes liés par ces cordons que nous appelons « aho ». Nous sommes donc « collectifs ». Couper l’aho, c’est périr, seul et isolé. Cherchez à suivre les traces de nos tīpuna (ancêtres) pour reconnaître les trésors qu’ils nous ont transmis. Veiller à reconnaître la culture visuelle et matérielle de nos ancêtres et à en tirer des enseignements. Créer des objets qui maintiennent notre lien avec eux, même s’il s’agit de vestiges fragmentés et fragiles. 

-Ross Hemera, Waitaha, Kāti Mamoe, Kāi Tahu, Ngā Aho Kāhui Whetū ( artiste, designer, membre aîné honoraire) 

  

Ka pu manawaroa, koea te whenua tipu - Si nos racines sont résilientes, notre patrie s’épanouira. L’appartenance Whānau (famille), enracinée dans la résilience, la santé, l’amour et la brillance. La terre (et les gens) ont besoin de chaleur pour s’épanouir, ce qui est également vrai d’un point de vue métaphorique. 

-Diane Menzies ONZM, Rongowhakaata, Te AitaNgā-a-Mahaki, Ngā Aho Kāhui Whetū (architecture du paysage, gestion de l’environnement, paysage culturel et patrimonial, membre aînée honoraire) 

  

Ko te nukurau te tikaNgā - L’innovation est notre tradition. En relation avec le design maori. Si nous considérons les traditions, nos traditions ne sont pas (seulement) le rouge, le noir et le blanc - ce sont là des conventions culturelles. Notre tradition, c’est l’innovation. I ahu mai i te kore. Aller vers les choses sans réponses. Partir d’un espace de Te Kore, le point du néant, à partir duquel tout est possible.  

-Jacob Manu Scott, Kahungunu, Whakaue, Te Arawa, Te Āti Awa, Raukawa, Ngā Aho Kāhui Whetū (architecte, artiste, graphiste, membre aîné honoraire) 

 

Cérémonie d’accueil, Forum international de design autochtone de Ngā Aho, N.-Z., 2018. 

Visites du site des Ngā Aho en 2017, avec Daniel Glenn (Apsaalooke– Crow), AIA, associé principal de 7 Directions Architects/ Planners, une firme de Seattle, dans l’État de Washington, qui appartient à des Autochtones et qui pour diverses cultures et communautés autochtones. 

Salutations Hongi / Māori entre Keri Whaitiri (Ngā Aho Pae Matua) et Idoia Arana- Beobide (épouse de Douglas Cardinal), Forum international de design autochtone de Ngā Aho, NZ, 2018. 

En 2018, à te Kore, la Conférence internationale sur le design autochtone, on a lancé le défi d'organiser un rassemblement de femmes pour favoriser un meilleur équilibre dans nos mondes du design. La rencontre a eu lieu et a permis d'explorer des moyens de soutenir l'adoption des mātauranga Māori (les systèmes de connaissance des Māoris) pour orienter une pratique riche, profonde, philosophique et particulière au design et à l'architecture pour Aotearoa (N.-Z.) 

Ngā Aho Kāhui Whetū - Carin Wilson, Jacob Scott et Ross Hemera; Ngā Aho Pae Matua - Terri Crawford et Desna Whaanga Schollum; Kāhui Whetū wānanga, Pukeruru, NZ 2022. 

Ngā Aho, wahine matariki wānanga, 2022 (rassemblement de femmes designers sur des territoires matriarcaux).